L’activité du port de Saint-Denis

 

 

LE PORT DE SAINT-DENIS

Le mythe de Sisyphe ou David contre Goliath ?

Mais avant tout une histoire d’hommes.

Aux temps anciens on peut imaginer que la vue si proche de La Rochelle poussait les habitants de Saint-Denis à franchir le coureau en barque.

Au XIIe siècle un vaste vignoble se crée au nord de l’île, ses productions viennent se joindre à celles de la campagne rochelaise pour alimenter en vin l’Angleterre et le nord de l’Europe. Le développement de la vigne et du commerce du vin allait donc rendre nécessaire l’emploi de plus grandes embarcations et par là-même, la création d’un abri capable de les accueillir.

Du XIIe au XVIIIe siècle

L’édification de la première jetée du port remonterait au XIIe siècle, permettant l’acheminement du vin de Chassiron vers le port de la Rochelle.

C’est aussi à cette époque que l’on trouve les premiers documents évoquant une imposition destinée à la réfection du port.

Les six cents ans qui suivirent furent une suite de constructions et réparations de digues et jetées, et d’amélioration d’une structure que l’on peut appeler : port de Saint-Denis.

Pour comprendre l’enjeu que représentait ce port il faut se pencher sur l’activité commerciale de l’époque. Les bâtiments se chargent ici de vins, d’eau de vie et de vinaigre. En échange Saint-Denis importe des matériaux, des pierres de taille, du ciment, des tuiles, du bois de construction et de chauffage, des céréales pour les meuniers, du charbon, du fer et des tissus pour ses négociants. En effet la foire de Saint-Denis s’est fait du textile une de ses spécialités. Pour preuve le stock de marchandises inventorié lors du décès du marchand Nicolas Gauthey en 1838. Il est recensé une impressionnante quantité de coupons et de pièces de tissus les plus variés dont l’énumération occupe une quarantaine de pages et dont la valeur dépasse quinze mille francs.

La vie économique de la commune est entièrement tributaire de son port. Ce qui explique l’acharnement des élus et de ses habitants à lutter contre les différentes menaces.

Les tableaux ci-dessous démontrent la place du trafic maritime de Saint-Denis au sein de l’île d’Oléron et à quel point déjà l’entretien du port est une volonté constante de la municipalité.

En deux mots : c’est un village qui possède un port important dont les ressources propres ne permettent pas de l’entretenir ni de le faire évoluer.

Ce sont ces bras de fer qui vont opposer Saint-Denis à l’Etat, à la Région, aux Ponts et Chaussées, aux Affaires Maritimes… qui font l’histoire de Saint-Denis et de son port.

Paroisses Capitaines Maîtres et patrons
St-Trojan 1 14
Le Château 2 23
Dolus 4 36
St-Pierre 6 37
St-Georges 9 38
St-Denis 10 39

 

Dates Sommes Origine des fonds Travaux espérés
1681 100 livres Versailles Réfection modeste du port
1726 150 livres Don personnel de M. Guillotin père
1717 15 0571 livres Réfection du port et réouverture au commerce en 1921
1737 Destruction du port par des tempêtes
1769 Fonds recueillis à partir des droits d’octroi Mur en pierres sèches ,musoir et passe de 12m
1772 5 500 livres Exécution des travaux par les habitants

 

A la fin du siècle le port a déjà testé plusieurs configurations et est autorisé depuis 1758 à percevoir des droits d’octroi.

Ces droits sur le port sont vécus par la commune comme une ressource nécessaire au remboursement d’un éventuel emprunt ; il faut rehausser la digue, la prolonger. Les ressources du village subviennent juste à l’entretien de l’existant.

En 1809  lorsque le sous-préfet Guillotin Fougeré, propriétaire à Saint-Denis, propose d’établir un octroi terrestre, la préfecture repousse cette idée car « il n’existe aucun établissement dans la dite commune, pas même de boulangerie ni de boucherie … »

En 1812 un projet de reconstruction de 45 000 francs est enfin adjugé à un entrepreneur de La Rochelle. Mais les Ponts et Chaussées retirent leurs fonds et l’entrepreneur obtient la résiliation de son marché en 1814. Un homme, M.Murot, maire de 1813 à 1820, de par son acharnement et sa volonté, va permettre la construction d’une jetée en forme d’écluse par la commune elle-même avec les bras de Dionysiens… Devant cette détermination, l’administration réagit très vite  et participe au projet. En 1827 le résultat est là et l’achèvement des jetées tant attendu va ouvrir une nouvelle page dans l’histoire du port.

*La lutte contre le sable – de 1835 à nos jours

En 1835, le Maire Pierre Chauvin, fait part dans un mémoire, d’un adversaire insidieux et d’une persévérante hostilité : le sable.

Jusqu’alors, une forte dune, étirée entre le pied de la falaise à La Morelière et les rochers d’Antioche contenait les alluvions venus du nord. Emportée brutalement ou grignotée petit à petit, cette dune disparaît. La barrière disparue, le sable progresse inexorablement vers le sud s’accumulant le long de la falaise, envahissant les écluses et le port.

De 1835 à 1905

La commune va se battre pour trouver une solution, de nouvelles digues sont construites, des brise-lames, de nouvelles configurations du port sont étudiées…

Il faut alors conjuguer deux objectifs divergents : contenir et détourner les alluvions qui arrivent du nord et permettre d’évacuer le sable qui est entré.

La commune emprunte au département, elle fait appel aux bonnes volontés : ceux qui ne peuvent souscrire à l’impôt donnent de leur temps et de leurs bras. C’est le mythe de Sisyphe ! La commune de « La Bray » participera au financement de crainte de devoir transporter ses marchandises à la Perrotine. Une jetée portera son nom.

Après de très – très nombreux aller/retour entre la municipalité, les Ponts et Chaussées, la Préfecture et l’Etat, le port est remodelé, une entrée sud, sud-est est créée, deux digues quasiment perpendiculaires ferment l’anse, des brise-lames sont édifiés puis remodelés…

Le port connaît enfin dix années de prospérité.

Trois évènements vont hélas, précipiter son déclin :

  1. Le phylloxera dans l’île en 1879 (en 1886 à Saint-Denis), qui va dévaster le vignoble, on va même jusqu’à prétendre que les vendanges sont les dernières. Seules les vignes qui poussent sur le sable sont épargnées. Cette crise provoquera le départ de la commune de 320 jeunes !
  2. L’entrée de la France dans des conflits mondiaux qui feront passer les soucis d’une « petite localité » au second plan : on lui demandera d’attendre la fin des hostilités.
  3. L’arrivée du chemin de fer qui s’avère bien plus pratique pour acheminer les tonneaux : le commerce se tourne alors vers Boyardville.

Le conseil municipal de Saint-Denis va se battre encore pendant plus de trente ans.

Résistant parfois à des chantages curieux : « Vous n’obtiendrez des crédits que si vous laïcisez l’école des filles alors tenue par les sœurs de la Sagesse ! »

Au début du XIXe siècle, toute idée de port protégé est même abandonnée, brise-lames détruit. Ainsi, en 1926, dans l’ouvrage historique de Paul Thomas, « L’île d’Oléron à travers les siècles », peut-on lire : « avant de contourner la pointe extrême de l’île, un autre port abandonné : Saint-Denis, victime aussi de l’envahissement des bancs de sable ».

1928 : Digue de la Morelière, construction d’un épi.

1931 : Construction d’un Wharf (prolongement de la digue dans la mer pour l’accostage de navires de commerce, à toute heure).

On parle de moyens d’accostage pour la petite batellerie pour mettre en relation Saint-Denis et La Rochelle.       

Fin 1931, le conseil municipal se soucie du millier de « baigneurs » qui séjournent et qui doivent profiter de la plage et, d’autre part des ostréiculteurs qui ont commencé à établir des parcs à huîtres à La Boirie et qui redoutent l’ensablement.

«Toutes tentatives visant à changer la marche des sables est vouée à l’ insuccès » sera-t-il écrit dans les comptes-rendus du conseil municipal en 1935 !

C’est l’essor du tourisme qui va faire renaître le projet. Petit à petit les objectifs évoluent.

En novembre 1942, présentation d’un nouveau plan de port en eau profonde. Jugé bien trop onéreux ce projet n’aboutira pas.

1947 : Le besoin de réfection de la digue oblige un nouvel emprunt de 190 000 francs nettement insuffisant. La commune renouvelle ses demandes au département.  Cette fois-ci, les études sont mieux conduites, le financement moins difficile à obtenir, et les matériaux plus étudiés et solides.

C’est le début d’une autre histoire…

Qui verra naître le troisième port plaisancier de la région.

En 1989, le nouveau port de la commune, qui est devenu port de plaisance est inauguré.